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L'étrange visite

(Le strelle nel fosso)

un film de Pupi Avati

Nous sommes au 19ème siècle, un dératiseur, après une journée de travail, commence à raconter une histoire qui se déroula cent ans plus tôt...
Dans une maison isolée de la campagne des alentours de Bologne vivait une famille composée uniquement d'hommes : le père Giove et ses quatres fils Silvano, Marione, Marzio et Bracco. Leurs journées se déroulent paisiblement et sans grandes préoccupations.
Dans cette atmosphère quasi intemporelle, arrive un jour Olimpia, une femme jeune et très belle... Après que le carrosse qui l'emmenait au château d'un petit seigneur local se soit embourbé, Silvano accourt à son aide.
D'abord timidement puis avec joie, Olimpia est accueillie à la maison. La vie de la famille est profondément transformée.
Au même moment, de manière différente, le père et les fils tombent tous amoureux de la nouvelle venue, elle partage leur affection et accepte avec plaisir de les épouser tous.
A la fin du fastueux banquet nuptial, la fille fascinante abandonne les cinq hommes qui s'endorment pour toujours.

 Photos

  Fiche technique

Année 1978
Durée 100'
Langue Italien, vost
Visa 97303
Format 35mm, Couleur / 1.1,37
Scénario Cesare Bornazzini, Pupi Avati
Photographie Feanco Delli Colli
Montage Feanco Delli Colli
Son
Musique Amedeo Tommasi
Décors Luciana Morosetti
Costumes Luciana Morosetti
Interprètes Lino Capolicchio, Gianni Cavina, Carlo Delle Piane, Roberta Paladini, Giulio Pizzirani, Adolfo Belletti, Ferdinando Orlandi
Production AMA Film

  Critiques

D'où naît l'enchantement : poignant, caressant, simple comme certaines inventions musicales que Chaplin puisait dans le répertoire de Tchaïkowski. Ce film appartient à ce genre très risqué, fort rare dans le cinéma italien, qu'est le conte pour adultes, menacé par des dangers du maniérisme poétique et de minauderie.
La structure est celle d'un casse-tête chinois, ou des "matrioska" russes : un conte à l'intérieur d'un conte dans lequel on raconte d'autres contes. Avati feint d'avoir trouvé un répertoire du XIXe siècle où l'on raconte - il était une fois... - une histoire du XVIIIéme siècle, celle d'une maison isolée au coeur d'une vallée habitée par une famille formée uniquement d'hommes. Jupiter et ses quatre enfants. Un beau jour Olimpia frappe à leur porte, une belle petite institutrice dont la charrette s'est embourbée non loin de là. Les cinq hommes sont épris d'amour pour la jeune fille qui répond à leurs sentiments et les épouse tous. Mais après la longue noce, à l'aube alors que les cinq hommes dorment, Olimpia s'en va rejoindre une voiture qui l'emporte.
Film sur la Mort et la Beauté, utilisant la figure tendre et gracieuse de Roberta Paladini, Le strelle nel fosso est la tentative (peut-être) désespérée de traduire sur un ton tantôt enjoué tantôt lyrique le secret de l'imaginaire folklorique, de son inexplicable survie malgré toute transformation sociale et technologique dans une zone cachée de l'esprit humain.
Beaucoup de choses appréciables dans ce film du bolognais Pupi Avati : la lumière du paysage des vallées (de Comacchio) et sa relation avec les intérieurs de la maison ; la cohérence d'une équipe de comédiens qui "jouent" avec brio leur personnage dont la naïveté ne dérape presque jamais vers la mièvrerie ; le génie archaïque et raffiné en même temps des incursions dans l'imaginaire populaire. Mais ce qui m'attire surtout - dans le cadre d'un refus du conte comme apologue moral (mais, aussi suspendu qu'il soit, un "sens" existe...) - c'est la modulation de la voix par laquelle Pupi Avati raconte.

Morando Morandini, "Il Giorno"

  La réalisation, Pupi Avati

Réalisateur

Biographie

Né le 3 Novembre 1938 à Bologne (Italie). Alors qu'il fréquente une école vétérinaire, Pupi Avati abandonne tout pour se lancer dans une carrière de clarinettiste jazz, au milieu des années 50. Dix ans plus tard, après avoir notamment travaillé dans l'industrie agro-alimentaire, l'Italien crée en compagnie de son frère Antonio et de Gianni Minervini la société de production cinématographique A.M.A. Production. Dès lors, Avati peut se consacrer pleinement à sa passion du septième art.
En 1968, Pupi Avati réalise son premier long métrage, Balsamus l'uomo di Satana, puis collabore à l'écriture du Salo ou les 120 journées de Sodome de Pier Paolo Pasolini. Il se spécialise ensuite dans le cinéma d'horreur, avec La maison aux fenetres qui rient (1976), Macabro (1980, qu'il scénarise et produit) ou encore Zeder (1983). Ses débuts derrière la caméra sont également marqués par des tentatives de comédie musicale (Help me dream, 1981) ou de biographie filmée (Une saison italienne, 1984, adaptation de la vie de Wolfang Amadeus Mozart sur grand écran).
Au milieu des années 80, Pupi Avati, qui aborde tous les genres et bénéficie déjà d'une renommée certaine dans ses frontières, confirme en signant de nombreuses comédies populaires parmi lesquelles Festa di Laurea (1985) et Histoire de garcons et de filles (1989), ce dernier film remportant un joli succès aux Etats-Unis. Reconnu outre-Atlantique, il profite de l'occasion pour réaliser Bix en 1991, une nouvelle comédie musicale qui constitue son premier long métrage en langue anglaise.
Par la suite, Avati, grande figure du cinéma transalpin, poursuit une carrière placée sous le sceau de l'éclectisme avec des drames (Magnificat en 1993, Le Temoin du marie avec Inès Sastre en 1998), des comédies (Le Sentier des anges, 1999) ou des films historiques (I Cavalieri che fecero l'impresa en 2001 avec Edward Furlong). En 2003, le cinéaste livre Le Coeur est ailleurs, présenté en compétition au Festival de Cannes.

Filmographie

Ma quando arrivano le ragazze ? (2004)
Seconda notte di nozze, la (2004)
Rivincita di natale, la (2004)
Cuore altrove, il (2003)
Cavalieri che fecero l'impresa, i (2001)
Via degli angeli, La (1999)
Testimone dello sposo, Il (1998)
Arcano incantatore, L' (1996)
Festival (1996)
Voci notturne (1995)
Dichiarazioni d'amore (1994)
Amico d'infanzia, L' (1994)
Magnificat (1993)
Fratelli e sorelle (1991)
Bix (1991)
Storia di ragazzi e di ragazze (1989)
Sposi (1987)
Ultimo minuto (1987)
Regalo di Natale (1986)
Festa di laurea (1985)
Impiegati (1984)
Noi tre (1984)
Gita scolastica, Una (1983)
Zeder (1983)
Dancing Paradise (1982)
Aiutami a sognare (1981)
Strelle nel fosso, Le (1979)
Tutti defunti... tranne i morti (1977)
Casa dalle finestre che ridono, La (1976)
Bordella (1976)
Mazurka del barone, della santa e del fico fiorone, La (1974)
Thomas e gli indemoniati (1970)
Balsamus l'uomo di Satana (1968)

 

  Interviews

J'ai toujours eu du mal à analyser mon rapport à l'histoire que je raconte. En effet, après tant d'années, je vis désormais avec la certitude d'avoir choisit ce métier surtout pour son absence absolue de règles strictes et précises. Pour la possibilité qu'il m'a offerte et qu'il m'offre de puiser indifféremment autant dans la partie irrationnelle de mon moi que dans sa partie rationnelle. De l'occasion permanente qu'il m'offre de transgresser. Je suis reconnaissant à ce choix qui m'a permis de me tenir à l'écart de certains chemins rassurants qui auraient sans doute mortifié mon appétit du risque.
J'essaierai néanmoins de synthétiser cette lueur de méthode, de système, dont s'inspire désormais mon approche à l'histoire que je veux raconter. Et pour le faire sincèrement je dois partir d'une considération douloureuse : le film que j'envisage de réaliser est toujours une tentative plus ou moins maladroite de "refaire" quelque chose de pré- existant : un jeu psychologique qui m'a frappé, une histoire que j'ai vue dans son accomplissement. Il y a donc comme une première version qui se propose à mon esprit, la version parfaite, claire et nette, dans bavure ou concession. Pendant quelque temps. L'émotion que je ressens est tout à fait semblable à celle que nous éprouvions enfants, lorsque nous nous arrêtions des heures devant une vitrine du centre ville attirés par un jouet trop coûteux. Nous n'avions pas toujours la possibilité de l'acheter et alors nous essayions de le copier, de le refaire avec des élastiques et des bouts de fer ou de bois sur la table en marbre de la cuisine ou sur l'établi de mon père.
Mais pour pouvoir atteindre un résultat aussi proche que possible de l'objet de nos rêves, il nous fallait ces pauses interminables devant cette vitrine, des heures d'étude et d'analyse qui devaient permettre l'exécution d'un "doublon" aussi ressemblant que possible à cet original hors de notre portée.
Cependant, presque à chaque fois, il s'avérait que l'objet de notre amour était posé sur une étagère un peu trop haute, ou trop reculé, en tout cas presque caché par d'autres jouets plus insignifiants à nos yeux. Et il était inutile de se pencher ou de se recroqueviller pour essayer d'en comprendre entièrement le secret.
J'ai à peu près ce même rapport avec l'histoire que j'ai déjà vue en moi dans sa perfection et don j'essaie d'extraire une copie. C'est cette perfection que je m'efforce d'imiter, ce mécanisme intérieur qui a produit en moi la plus profonde impression et que je tâche aujourd'hui, avec les matériaux dont je dispose, de reproduire.
Le sens de mon métier est là. Dans cette rage perpétuelle de démonter la machine pour essayer de la remonter, une pièce après l'autre, chaque engrenage à sa place. Pour me l'approprier, finalement. Remonter le ressort et la voir courir sur le sol du salon. Enfin il y a toujours ce quelque chose qui préexiste et à quoi je me reporte, ce quelque chose qui est indépendant de moi, que je rencontre, dont je suis charmé et que j'essaie de rendre concret. En effet je me laisse totalement plagier par les histoires que raconte, la fascination du début se transforme petit à petit en amour, j'en discute, tâchant de restituer la beauté que j'ai entrevue par l'imitation de la parole, la racontant par bribes, en vérifiant les réactions de mes interlocuteurs. Je cherche une sorte d'autorisation à poursuivre mes approches, à les rendre plus insistantes, jusqu'à l'officialisation du rapport.
Le hasard m'a fait entrevoir l'histoire qui est ensuite devenue mon film tout comme le hasard m'a fait rencontrer cette jeune fille qui est ensuite devenue la compagne de ma vie. Je trouve donc inexact de traiter tout cela comme quelque chose de conscient et rationnel. J'aime tout ce côté fortuit, cela me ressemble.
Et tout comme l'amour prévoit souvent la trahison, les vieux films que j'ai faits, les vieux scénarios, les tas de paperasses (plans de travail, devis, notes de mise en scène) gisent dans les étagères et les tiroirs comme de vieilles lettres d'amour écrites à des jeunes filles qu'aujourd'hui, si on les croisaient dans la rue, nous serions incapables de reconnaître.
Ils appartiennent à ce que nous avons été et non à ce que nous serons. Il y a quelque chose de commun à toutes ces histoires, qui les rend semblables entre elles. C'est la déception, l'insatisfaction, la conscience qu'on n'a pas su saisir en entier ce frisson, cette émotion que le modèle suggérait.
L'original dont on s'est inspiré pour essayer de le refaire s'est évanoui, dissipé dans le grand espace.
C'est sans doute l'espoir de pouvoir un jour saisir en entier cette suggestion qui me donne cette volonté farouche de poursuivre ma recherche.
Pupi Avati